Alors que Céline et Séb remontent vers le Nord et que nous avons rechargé nos batteries dans les criques de Krk (vive la rime, si vous arrivez à prononcer mon deuxième), nous continuons notre route vers le Sud. Direction le souvent nommé meilleur, plus beau et plus grand site d’escalade du pays : Paklenica.
En chemin, nous nous arrêtons pour profiter des couchers de soleil et faisons halte à Strogir. Eh oui, même si Paklenica est renommé pour son calcaire, ce n’est pas le seul monolith rocheux de la côte offrant des grandes voies farcies aux cannelures et autres prises crochettantes. Sur la route, il y’a pas mal de sites un peu moins connus, avec des marches d’approche plus au moins longues. Nous ne prendrons pas le temps de faire plusieurs arrêts mais dirigeons nos chaussons vers le “Strogir”. En effet, ce rocher est vraisemblablement emblématique dans la région. Érigé comme une grande dent surmontant les montagnes côtières, il a une certaine prestance dans le monde des grimpeurs locaux. L’approche est de 45 minutes de montée, ça permet d’allier rando et escalade ; on aime ça. Et en plus ça fait guise d’échauffement.
On y fera une chouette “petite grande voie” de 120m de haut pour jouir d’une vue exceptionnelle. Encore sur notre fin après cette ascension bien rapide, nous enchaînons par une grande longueur de 75m sur un calcaire tout joli, juste en dessous du Strogir, à l’assaut de sa petite dent jumelle. C’est fait pour le duo du jour, redescente au van en repassant par la fameuse porte des Turcs avant de reprendre la route vers Paklenica où nous arrivons après un énième couché de soleil aux couleurs enchantresses.
Encore une fois, lors de ces moments de route, nous somme content d’être là en basse saison, car même si la côte est un peu morne, que tous les bars, cafés et restaurants affichent portes closes, nous imaginons mal faire la même route en été. Nous ne croisons que très peu de voitures sur cette route qui est la seule parcourant toute la côte, et c’est très agréable. Ici en été, c’est la cohue, les touristes, les camping-cars, les autobus et tout le reste lié à l’activité estivale. Les touristes qui profitent de la Croatie et les croates qui profitent des touristes en gros.
On arrive de nuit à Paklenica, grâce à notre super app Park4Night (quoi on en a pas encore parlé ?! allé j’ai fais un petit article bon plans app : ici) on trouve un super spot au bord de l’eau. Ici on est tellement enfoncé dans un bras de mer protégé par deux rangs successifs d’îles que la surface est aussi calme que celle d’un lac, voir plus. L’eau est limpide et les vagues quasi inexistantes. C’est grandiose la journée mais la magie opère surtout le soir lorsque les “pécheurs aux lumières” viennent faire des aller-retours le long des plages, aussi silencieux que la branche qui se laisse emporter par la rivière, leurs bateaux, tels de grosses pirogues sont armés d’un gros spot à l’avant. Celui-ci permettrait d’attirer les poissons en recherche de lumière… divine ou mortelle. Les pécheurs reviennent tous les soirs et nous jouirons du spectacle au coin d’un feu, avec de nouveaux amis italiens rencontrés par hasard sur le spot, et de leur chien qui nous a fait une peur bleue notre premier soir mais s’est avéré être un beau Border Collie bien sympa, joueur et très utile pour nous apporter du bois pour le feu. Eh oui, son jouet préféré devait être le plus gros possible, bien plus que sa tête en tout cas.
Je m’égare un peu mais pour clore la parenthèse, ces fameux italiens du nord, viennent d’un petit patelin perdu à la limite des Dolomites, qui s’appelle Longomoso, et qui jouit d’une certaine réputation grace à ces pyramides de terre surmontées de gros rochers… ça vous rappelle quelque chose ?! eh oui, c’est bien là qu’on a bivouaqué par le plus grand des hasards en se dirigeant vers les Dolomites, ou ce qu’on pensait être celles-ci en tout cas. Que le monde est petit me direz-vous ! (on en parlait ici).
Paklenica donc. On y a passé quatre jours. A savoir : l’entrée est payante dans le canyon principal. Principal car il y’en a deux : Vala Paklenica et Mala Paklenica. Vive la basse saison encore car l’entrée est moins chère (beaucoup) dans le premier et gratuite dans le deuxième à cette période. Dans tous les cas, des pass pour 3 et 5 jours existent pour faire une bonne affaire. Nous avons donc pris le pack de 3, et profité du 4ème jour pour aller visiter le Mala en rando pure.
Premier jour, première grande voie, on attaque plus au moins soft, enfin c’est ce qu’on pensait. Liliv, un des beauf’s d’Athé nous envoie une sélection de voies, on choisit “Slovenski”, 200m 6a+ max. Bonne orientation et petite marche d’approche pour une première dans le canyon, c’est un des contrefort en rive droite qui s’appelle Debeli Kuk. Bon l’échauffement souhaité c’était sans compter les cotations un peu “old school” de l’endroit. Il faut ajouter un bon niveau à chaque cotation des gorges, on l’apprendra à nos dépend et la réputation fera écho dans nos oreilles plusieurs fois par la suite. Dès la deuxième longueur dans un dièdre ultra technique aux positionnements douteux et au prises cachées le ton est donné. On enchaînera tout de même toutes ces belles longueurs pour un sommet plus que mérité, surtout pour Athé qui y aura tenu un combat plus que coriace. Une chose est sûre, la prochaine fois, elle me laissera porter ma bouteille d’eau et prendra des barres céréales à la place d’une salade composée et de son pot de vinaigrette en verre… Note que le festin fut à la hauteur de la voie et un vrai délice en son sommet.
Pour se remettre de nos émotions et se donner une meilleure idée des cotations assez spécifiques au lieu, le lendemain on grimpera des couennes avec nos amis italiens, leur chien et des allemands qui nous prêteront le topo pour qu’on puisse planifier la suite. Le choix n’est pas simple et il nous faudra bien éplucher le roman pour trouver quoi gravir pour notre dernier jour. Athé préfère garder de la marge et j’aimerais finir en apothéose tout de même pour quitter ce lieu sur une note magistrale !
Mais avant ça, pour se reposer les bras et reconstituer un peu de peau avant la grande ascension, on prend notre jour de repos pour aller randonner dans le Mala Paklenica. Ce deuxième canyon est aussi majestueux que le premier et, point positif selon moi, il est beaucoup plus sauvage ! On planifie une boucle qui nous prendra la journée (les jours sont de plus en plus courts…). La gorge commence par un sentier assez bien marqué, au milieu de falaises vertigineuses envahies de végétation, on comprend pourquoi l’escalade est ici moins présente mais également que celle-ci est interdite. Les autorités ont probablement voulu conserver une de ces deux failles terrestres pour y laisser jouir en paix oiseaux, animaux et végétaux. Et c’est plutôt bien comme ça ! Le canyon est magnifique, ses parois s’élèvent de chaque côté remplies de couleurs du gris à l’orange et de toutes les nuances de verts. Après quelques centaines de mètres, le sentier se fait moins évident et il devient plus raide. On découvre une grotte avec des bouteilles qui récoltent le goutte-à-goutte de l’eau filtrée par des milliers de mètres cube de roche. Ensuite, il faut cheminer dans le lit de la rivière, au milieu de gros blocs de roche, suivant le marquage on escalade et saute de l’un à l’autre, toujours en bonne ascension. A la sortie du Canyon, le lit de la rivière (asséchée) nous conduit pendant plusieurs km sur un terrain plus au moins plat avant de remonter par les collines et de descendre via le maquis Croate face à un couché de soleil à nouveau grandiose. Arrivés à la tombée de la nuit, on a failli sortir les frontales mais notre van était encore visible dans la pénombre… peut-être aurait-on du les sortir pour vérifier les piles ce jour-là, à quelques mètres du camion ? …
Dernier jour dans le parc, apothéose ou ecchymose, on jette notre dévolu sur un combiné à l’assaut de l’Anica Kuk, le sommet emblématique du lieu ! Départ via Karabore pour une longueur de chauffe, suite via Svicarski pour une transition vers Domzalski pour rejoindre le sommet du “stup” (aiguille qui sert de contrefort à l’Anica Kuk). On se perd un peu, on double une ou deux longueurs mais on arrive sans peine sur cette arrête qu’on suit sur une soixantaine de mètres jusqu’à une plateforme où deux options s’offrent à nous, la première est Razza Romantike : un 6c “Paklenica” qui nous refroidit tous les deux, Athé de suite à cause du niveau, et moi à la vue des pitons bien rouillés qui l’équipe. La deuxième est d’enchaîner avec Brid za veliki cekic jusqu’au sommet. On choisit donc cette dernière en partant tout d’abord dans une série de traversées en crochet dans des cotations faciles mais avec un super gaz en-dessous de nous ! Pour les néophytes, du “gaz” c’est quand l’impression de vide est franchement forte. On continue ensuite sans trop de peine dans une série de longueurs jusqu’à à arriver sur un plat qui devrait, selon notre topo, être la fin de la voie. On est content, il fait encore bien beau et on se met en quête du chemin de descente. A droite, du vide, à gauche pareil, devant, un rocher raide… on tourne un peu en rond, je m’embarque presque à l’aveugle dans une autre voie avec mes grosses aux pieds mais finalement on reprend le topo pour y voir plus clair et là… sur une autre page, dans un petit encart, on découvre qu’il nous reste trois longueurs avant le haut de la voie… ça explique des choses mais ça flingue un peu le moral aussi avec les doigts de pieds qui crient au martyr et le soleil qui entame sa course vers les profondeurs de la mer adriatique.
On se dépêche un peu et on trace les trois dernières longueurs en passant un peu n’importe où. Enfin en haut ! Petit moment de célébration, mais Athé qui n’a pas l’habitude des retours nocturnes est un peu en pagaye, c’est que le sommet n’est que la moitié de la course y parait. J’arrive tout de même à prendre quelques photos de ce super couché de soleil (encore). Aujourd’hui on est au meilleur endroit pour le voir, vu qu’on est au plus haut.
Le chemin de descente se fait à pied mais pour se faire, il faut crapahuter sur des rochers assez acérés pour d’abord atteindre le véritable sommet de la montagne, avant de redescendre par le versant nord et rejoindre le pied de la voie, puis le bas du canyon est notre maison roulante 600m en contrebas. La nuit tombe et il est temps cette-fois ci de sortir les frontales pour poser les pieds correctement sur ces couteaux de roche. Petite émotion de détresse lorsque celle d’Athé ne s’allume pas.. eh oui on aurait dû les tester ces piles ! Mais pas de soucis, je lui file la mienne et utiliserais la lumière de mon téléphone pour éclairer mes pas. Je suis plus à l’aise sur ce type de terrain et avoir une seule main libre est moins gênant pour moi. La nuit tombe, les étoiles pointent le bout de leur nez, la vue est grandiose et la sérénité revient. On s’arrêtera pour manger un bout, on a pas pris le temps dans la voie. Noir ou noir, c’est pareil de toute manière. Un peu de réconfort lorsqu’on rattrape ensuite une autre cordée d’anglais dans la descente. Ne pas être seul dans la montagne, parfois ça irrite mais souvent ça rassure tout de même. On arrive sans encombre par le sentier qui se fait bien meilleur lorsque le calcaire laisse la place à la terre et aux gravillons.
Retour au camp pour allumer un feu – de joie – et célébrer cette belle journée au sommet de Paklenica, on est monté par la grande scène et redescendu par la sortie des artistes, chapeau bas ! A bientôt pour un rappel sur les planches !